Les morts espagnols ont cette caractéristique que les français n’ont pas : celle de revenir à la vie.
Baltazar Carzon a récemment ordonné l’exhumation de la dépouille du poète federico garcia lorca, sommairement assassiné et enfouit dans une fosse commune depuis 1936.
La signification troublante que revêt cette mesure arbitraire trouve difficilement son écho à travers la dimension humaine de la mort.
Il y a cette disposition indéniable de l’Espagne à être touchée par l’histoire et à vouloir manifestement la transformer.
La propension d’une nation à modifier l’horizon de lisibilité de son passé présume évidemment la fragilité du rapport qu’elle entretient avec son histoire.
Ce contrôle partiel et tangible de la création ou de l’appropriation du symbole s’essaye à la déconstruction progressive du lourd héritage franquiste sans pour autant signifier son non-sens actuel.
Tirer la mort de l’oubli revient à prolonger la vision inachevée de la condition des mots, de la condition humaine de Lorca. Elle sollicite donc l’Espagne à s’ interroger sur ce que le franquisme ne veut « plus » dire, et à envisager toutes les conséquences qu’aura cette irruption intempestive des vestiges du régime théocratique sur la société.
Il est difficile de parler de la mort alors que l’essence même des êtres est de vivre. L’exhumation doit elle être le centre des préoccupations d’une réflexion sur les liens entre l’histoire, l’acception de la vérité et la signification qu’elle suggère ?
Si la mort est l’accomplissement de l’existence humaine, Lorca n’en a toujours pas finit de vivre. La porte andalouse doit rester close puisqu’elle ne saurait offrir à ceux qui l’ouvriraient le paysage espéré et clément du souvenir.
Jonathan Picard, blogeur intermittent sur brooksdebates
Tout notre rapport au temps est a repenser.